En effet, des manifestations secouent la République islamique iranienne depuis la mi-septembre 2022 à la suite de la mort de Mahsa Amini, embarquée puis battue à mort par la police des moeurs pour ne pas avoir mis "correctement" son foulard. Selon un général des Gardiens de la révolution, le bilan humain de ces manifestations, fortement réprimées par les autorités, s'élevait fin novembre 2022 à plus de 300 morts. L'ONG Iran Human Rights l'établit de son côté à 416 morts. Ce soulèvement de la population iranienne déstabilisant le pays, plusieurs condamnations à mort ont été prononcées à l'encontre de manifestants embarqués par les forces de l'ordre. À ce jour, 2 manifestants ont été exécutés, dont un publiquement. Amnesty international a identifié 27 autres personnes condamnées à la peine de mort, chiffre que l'ONG pense sous-estimé, et appelle à une enquête indépendante sur la violation des droits humains en Iran.
L'Iran ayant été élu par l'ECOSOC pour siéger à la Commission sur la condition de la femme (CSW), une pétition internationale appelait depuis deux mois à retirer l'adhésion de la république iranienne à la CSW. Les États-Unis, qui n'ont plus de relations diplomatiques avec l'Iran depuis 1980, ont donc soumis cette résolution E/2023.L.4 reprenant l'objet de cette pétition au vote du Conseil économique et social de l'ONU : 29 États ont voté pour, 8 pays ont voté contre,16 se sont abstenus et un État, l'Afghanistan, n'a pas pris part au vote. L'Iran s'est exprimé avant le vote, affirmant que cette résolution portée par Washington était "une preuve supplémentaire de la politique hostile des États-Unis envers le peuple iranien, en particulier les femmes, menée sous couvert de défense des droits de l'homme", et a rejeté et fermement condamné le texte. La représentante iranienne a rajouté que cette demande de retrait de l'adhésion iranienne à la CSW était "illégale" et "contraire à l'esprit de la Charte des Nations Unies, notamment à sa notion fondamentale d'égalité souveraine des États membres avec une participation égale à toutes les instances multilatérales, qui a été reconnue comme la principal pilier du multilatéralisme".
Le texte adopté par l'ECOSOC "exprime une grave préoccupation quant aux agissements du gouvernement de la République islamique d'Iran depuis septembre 2022, lequel sape de manière continue et réprime de plus en plus les droits humains des femmes et des filles, notamment le droit à la liberté d'expression et d'opinion, souvent avec un usage excessif de la force".
Bien que ce vote n'ait été conduit que par les 54 membres de l'ECOSOC et non par les 193 États représentés à l'ONU, il est intéressant de voir avec cette carte non seulement les États qui ont voté contre (notamment la Chine et la Russie, ce qui n'est pas très étonnant compte tenu du renforcement des liens entre Téhéran et Moscou à l'heure de la guerre en Ukraine et des tensions qui ne cessent de s'enraciner entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité), mais surtout les membres qui se sont abstenus, tels que l'Inde, la Tunisie ou encore la Côte d'Ivoire.
Le compte-rendu du déroulement du vote, extrêmement intéressant, est disponible ici.